Dans mon petit dépôt (voir la rubrique « Sainte Piste »), j’aime effectuer des manœuvres avec mon locotracteur Y 6200 (de marque EPM). Avec son style et sa livrée « années 50 », il a bien sa place au milieu de mes locos vapeur.
Mais pour déplacer les wagons tombereaux, citernes, et autres « Collecteurs Traction » qui approvisionnent le dépôt de Sainte Piste, j’aime bien aussi utiliser une loco vapeur de manœuvres. Lorsque je m’organise une séquence « Ouesterne » (c’est à dire que je déploie mes locomotives typiques de la région Ouest), ma 040 TA est naturellement affectée aux manœuvres (voir la rubrique « 040 TA Jouef : mon Noël 2007 »). Mais comme souvent ce sont mes « vieux corbeaux » typiques de la région Sud-Est qui sont présents sur mon décor (141 D, E, F, 140 E, 140 J…) tels que je les ai connus à Dole dans mon enfance, j’aimerais bien y associer un « Coucou » de manœuvres susceptible d’avoir évolué en ces lieux à cette époque… A condition que son fonctionnement soit au moins aussi bon que mon locotracteur. Une machine qui posséderait un ralenti fabuleux, associé à un fonctionnement souple et silencieux, dotée d’un couple légendaire. Ajouté à cet exigeant cahier des charges, digne des pires compteurs de rivets et « arracheurs de veste » (expression de Clive Lamming), il me faut…vous savez…ce petit truc en plus, qui fait le lien avec quelque chose que j’ai vécu ou ressenti dans la réalité. Ma part de rêve, quoi.
Et bien ça existe. Je l’ai trouvé dans mes souvenirs d’enfance, cher docteur (Freud ?) La clé du mystère, c’est la 050 TX 16 (voir la rubrique « Eric Seibel, qui c’est ? ») Et le modèle c’est la 050 TA 907 (dépôt de St Brieuc) de marque Piko (Réf. 1423) Dès que j’en ai fait l’achat en 2005, j’ai été stupéfait de constater ses qualités de fonctionnement, notamment en raison de ses multiples palpeurs de courant (un sur chacune des dix roues accouplées). Impossible de « planter un choux » avec cette bécane ! En même temps je découvrais – en le posant sur un diagramme à l’échelle – que la longueur de son châssis, de même que le diamètre et le positionnement de ses roues sont identiques à ceux d’une 050 TX !
Sans plus réfléchir, j’ai « désossé la bête », pour m’attaquer aux transformations nécessaires. Hélas, je me suis aperçu – alors que j’avais déjà « charcuté » à tout va – que le moteur se trouve placé de telle sorte qu’il masque le jour qui devrait se trouver entre la chaudière et le tablier d’une 050 TX. Hé, oui : à l’origine, les caisses à eau de la 050 TA allant assez loin vers l’avant, elles cachent le moteur, mais sur une TX il faut les raccourcir… Pas question de modifier le châssis-moteur au fonctionnement parfait, LE grand avantage du modèle de base. Non, non, trop risqué.
Zut alors, j’ai entassé les morceaux dans une boîte et remis ça aux calendes grecques…
LES 050 TX RÉELLES : DES MACHINES DE BUTTE
Trente huit exemplaires de cette locomotive destinée aux manœuvres sur les buttes de triages furent construits en France (sur des plans allemands type « KDL 5 ») de 1944 à 1946, à St Chamond. Robuste et plus puissante que la future 050 TQ, elle avait déjà une allure moderne, assez proche de cette dernière (forme des caisses à eau, de l’abri, de la soute à combustible…) Pour une machine de « manœuvres », une 050 TX était d’une taille impressionnante (elle ne « rentrait » d’ailleurs pas dans le gabarit « passe-partout » de la SNCF), qui contrastait avec ses petites roues d’un diamètre de 1, 20 m. Sa masse était de 83 tonnes, le timbre de sa chaudière 14 Kg, et sa vitesse limite (à l’origine) de 60 Km/h.
Si la première machine sortie d’usine fut attribuée à la compagnie de l’Est de Lyon en 1945, les 37 autres le furent en 1946 aux régions Nord (050 TX 1 à 18) et Ouest (050 TX 19 à 37).
Les 050 TX de la région Ouest y restèrent durant toute leur carrière. Elles ont fréquenté les dépôts de Batignolles, Achères, Caen, Thouars, La Rochelle, Trappes, Rouen-Orléans, Mézidon, Angers, Rennes, Niort, Argenteuil, Le Havre, Mantes, Le Mans, Nantes-Blottereau, Nantes-Ste Anne, et Saintes. Dernière machine radiée dans cette région : la 050 TX 29 à Thouars le 02 mai 1968.
Par contre, les machines de la région Nord émigrèrent très vite sur celle du Sud-Est en 1948-49, suite à l’arrivée des 050 TQ. Dans un premier temps elles étaient concentrées sur les dépôts de Paris-Charolais et Villeneuve, puis au cours des années 50 la plus grande partie d’entre elles fut mutées dans les dépôts d’Ambérieu, Grenoble, Vénissieux, Badan et St Etienne. De ce dernier dépôt, la 050 TX 16 fut envoyée au dépôt de Dole en 1960, où elle fut garée sans utilisation jusqu’à début 1965, lorsqu’elle fut vendue aux Houillères de la Loire.
Dernière machine radiée dans cette région (à part la 050 TX 16, mais qui ne faisait donc plus partie de l’effectif de la SNCF) : la 050 TX 8 à Vénissieux le 03 mai 1966.
Je vous indique les revues et livres (en ma possession) sur lesquels j’ai trouvé des articles et des photos :
« 60 ans de traction vapeur sur les réseaux français (1907- 1967) » (de L.M. Vilain), pages 339-340. |
Le Train N° 99/1996 page 17. La photo (de Guy Laforgerie) de la 050 TX 16, est prise à l’intérieur de l’atelier de levage « vapeurs » de Dole, pendant sa remise en état avant son expédition vers St Etienne. On voit que ses tampons ont été remplacés par des « unifiés » à plateaux rectangulaires (cas unique pour cette série ?) Un ouvrier (probablement un tuyauteur de l’équipe Mulbach, « la volante ») est debout sur le tablier de la machine. |
Le Train Hors-série N° 4 : Les vapeurs « Allemandes » SNCF, pages 88 à 95. Article assez complet. Parmi de nombreuses photos d’autres 050 TX, la même photo de la 050 TX 16 à l’atelier de Dole, en format plus réduit. |
Le Train Hors-série : Encyclopédie du matériel moteur SNCF, tome 2, pages 76 à 79. Article plus court, mais avec les mêmes éléments essentiels (affectations par N°, dates et lieux des radiations…) |
Photos dans les livres de la série « Images de trains » : Tome 1 page 75 (Caen), tome 15 page 57 (Angers). |
Ferrovissime N°35 : photo couleur sur page 1 de couverture. |
Ferrovissime N°36 : pages 5 et 13 (2 photos couleur). |
Voies Ferrées N° 171 page 13 (voir aussi le N° 170, que je n’ai pas…). |
Les dépôts vapeur de l’Ouest, pages 18 (Angers), 70 (Caen), 298 et 299 (Thouars). |
Les dépôts vapeur du PLM, pages 269 (St Etienne), 287 (Vénissieux). |
"Les trains de marchandises à la S.N.C.F" pages 120, 121 et 122. |
FIN AOÛT-DEBUT SEPTEMBRE
A cette période de l’année, je viens de terminer quelques travaux promis de longue date. Je fais du rangement, j’élimine des trucs qui prennent de la place, et dont je me demande pourquoi je ne les ai pas directement portés à la déchetterie…
Et puis voilà que je tombe sur la boîte poussiéreuse contenant les éléments de ma 050 TA Piko, laissée en plan depuis 7 ans. Comme je désire une loco vapeur de manœuvre et que les doigts me démangent, c’est décidé j’empoigne mes outils de « miséra-modéliste de base » (expression d’Alain Angelini). Et puis tant pis pour l’obstruction sous la chaudière, je trouverai bien à « meubler » cette zone avec différents accessoires, afin de faire oublier le défaut. Puristes qui me montrez d’un doigt moqueur, présentez-moi donc une 050 TX sortie de vos mains, avec un aussi bon fonctionnement …
Je rappelle ici mon habituelle déclaration pour les «jamais contents» (cliquez sur ces mots surlignés).
RÉSURECTION D’UN VIEUX FANTÔME
Voici maintenant le récit de mes travaux en 49 photos… et deux petites vidéos de ma 050 TX 16 en manœuvres à Sainte Piste :
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ÉPILOGUE POUR LA 050 TX 16 RÉELLE
J’ai eu la chance de retrouver quelques précisions sur ses derniers instants à Dole, en rencontrant Daniel Gautheron qui l’avait conduite en 1965 :
« La machine était venue ici pour une grande révision, mais elle resta effectivement en attente quelques années. Puis, une fois vendue aux Houillères de la Loire, elle passa donc au levage. Je venais d’être nommé élève-mécanicien. Je fus désigné pour la conduire aux essais. J'avais comme chauffeur "Toto" Breniaux. Le chef mécanicien Fléchon nous accompagnait. Après sa mise en feu, nous avons graissé la machine. Puis il a fallu trouver des outils : il n'y avait pas de pique-feu assez court, ni de pelle !
A la mise en plaque, Fléchon me dit d’ouvrir les purgeurs, mais aucun de nous ne savait où était leur commande. Gaby Gonthier (chef d'équipe au levage) vint à notre rescousse, mais il se trompa de levier, et fit une extraction ...en plaque ! La conduite était à droite, tout était inversé là-dedans. Il y avait un gros graisseur mécanique dans l'abri, et pas de Flaman. La vitesse étant limitée à 40 km/h, je demandai à Fléchon comment savoir... Bah ! dit-il, quand çà secouera, on ralentira ! Après le plein de combustible (deux bennes en tout!), nous voilà partis jusqu'à Grand-Contour (première station de la ligne de « La Bosse »). Une trappe du cendrier étant restée ouverte, on a mis le feu aux traverses ! Le conducteur de la 16500 qui montait derrière nous avec un train de paille ne devait pas être bien à l’aise…
Après que le chef eut fait la visite de la machine, nous sommes revenus et avons jeté le feu en arrivant. Il y avait des fuites partout. Après reprise en main par le tuyauteur à l’atelier, la loco fut acheminée en feu vers Lyon par Mouchard, Lons, et Bourg. Comme équipe, il y avait le mécanicien Tavernier, le chauffeur Villars, et le chef de traction Grener. »
Eric Seibel – septembre 2012 |